La source. Ce mot a résonné en moi avec force lors d'une interview de Solo.
Il rappelle que la source de notre culture reste immuable, toujours au même endroit. C'est à nous d'aller la chercher.
Solo, un pionnier que la mémoire collective a trop souvent oublié. Pourquoi ? Son histoire n'a pas été transmise, et pourtant, chacun de ses projets a contribué à la construction du mouvement hip-hop. En lisant cet article, vous comprendrez pourquoi.
Sa première vie
Solo fait ses premiers pas dans le hip-hop en 1982, à seulement 14 ans, inspiré par l'émission Mégahertz. Il danse déjà lors des boums de son quartier, avec comme unique référence la série TV Fame et son célèbre danseur Leroy. Vous l'avez sûrement vue, non ?
Son entrée dans la culture se fait dans un contexte social tendu, où les banlieues suffoquent et manquent d'avenir. Le hip-hop devient alors un exutoire. D'abord occupé à faire les fonds de poche dans les transports, il trouve vite une nouvelle passion qui prend le dessus.
Son parcours passe par CHAMPS DISQUE, temple du vinyle sur les Champs-Élysées, et Discoparnasse, repère des DJs et danseurs en quête de perles rares. Dans le même temps, il découvre les spots des danseurs de l'époque : Trocadéro, Montparnasse... Puis viennent les premières soirées mythiques, comme à la Grange aux Belles, alias le Bata 2, où DJ Chabinfait vibrer la communauté afro-antillaise.
Là, il observe les meilleurs : Junior Almeida, Willi, Leroy, Joyce, les Jazz Rockeurs... Solo redouble d'entraînement, s'inspirant aussi des clips US diffusés non pas sur YouTube ou Instagram, mais dans les fast-foods comme Freetime. L'un d'eux va le marquer : Buffalo Galsde Malcolm McLaren. (https://www.youtube.com/watch?v=HCBN7lyLT4w)
Sans mentor ni code, il mélange smurf et break. Il danse au Trocadéro jusqu'à ce que deux danseurs, Scalp et Franck de Louise, le repèrent et lui proposent une émission TV. Quelques jours plus tard, il se retrouve à la Maison de la Radio pour danser avec Julien Clerc. Une première expérience qui le propulse dans le game.
Il intègre les PCB et son accès aux soirées jusqu'alors inaccessibles devient une réalité. Lors d’une soirée, il croise Nico, un autre danseur hors pair. Mais ce soir-là, Nico impressionne avec un mouvement révolutionnaire : la coupole. Une rivalité naît. Mais après plusieurs affrontements, ils comprennent que leur association serait une force. Nico rejoint les PCB.
L'été 1984 marque un tournant. Solo part à New York. Avec l’aide de Mr Freeze du Rock Steady Crew, il rencontre des légendes comme Red Alert et Kid Freeze. Lors des soirées underground, il découvre un nouveau mouvement : le Nineteen. Un challenge qu'il relève comme il l’a fait avec la coupole.
De retour en France, il impose son style et marque la différence face aux breakeurs français. Mais l’un des moments les plus forts de sa carrière sera le concert de Grand Master Flash à Londres, où, avec Nico, il défie les meilleurs crews anglais.
Son talent ne passe pas inaperçu : il se lance dans le mannequinat et devient l’effigie de Benetton, apparaissant sur des campagnes de Paris à Tokyo en passant par New York. Il pose même pour la pochette du label américain Tommy Boy.
Sa deuxième vie
Après ces aventures, Solo prend une décision radicale : il arrête la danse pour se consacrer au rap. Pourquoi ? Il estime avoir fait le tour du break et cherche un nouveau challenge : créer un collectif de rap devient une évidence.
Sa rencontre avec Vincent Cassel, frère de Squat, à New York, joue un rôle clé. Grâce à l'argent touché sur H.I.P. H.O.P., il s’associe à Squat pour composer leurs premiers morceaux.
En 1987, ils fondent Assassin.
Le rap français étant quasi inexistant à l'époque, le groupe débute dans l’anonymat. Mais en 1987, ils performent au Palace à Paris, puis enchaînent les scènes mythiques, notamment aux soirées Roger Boîte Funk au Globo.
Mars 1989, Assassin fait sensation à l’Élysée-Montmartre lors du festival rap à Paris. En marge, un championnat de DJ voit DJ Clyde se démarquer. Solo le repère et l’intègre au groupe jusqu’en 1993.
En 1990, ils apparaissent sur Rapattitude, première compilation de rap français aux côtés de NTM, Dee Nasty et Tonton David avec La Formule Secrète.
En 1991, Solo part se former à l’ingénierie sonore. Squat, sans concepteur musical, recrute Doctor L, qui devient le beatmaker d’Assassin. Quelques mois plus tard, ils sortent Note mon nom sur ta liste sur Remark Records. Face aux majors, Jacques Renaud les aide à s’autoproduire. Ils créent Assassin Productions, premier label de rap indépendant.
En 1992, Le futur que nous réserve-t-il ? sort en deux volets. Ses textes percutants, anti-système et engagés, lui ferment les portes des grandes antennes... mais l’album devient disque d’or.
En 1993, ils composent la musique du film Métisse de Mathieu Kassovitz et sortent le EP Non à cette éducation. En 1994, ils signent la B.O. d’État des lieux.
Solo, plus qu’un danseur, plus qu’un rappeur : un bâtisseur de culture.
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